Petit exercice d'une heure dont les contraintes étaient : le Moyen-Age, la solitude, une petite ville d’Ecosse, un chansonnier alcoolique.

Les dernières lumières du jour quittaient la lande. L’ombre avalait les petites rues étroites et les coursives, se faufilant dans les moindres replis de la ville endormie. Enveloppé par la brume, le village d’Elbrook retenait son souffle aux cris éloignés de loups perçant le silence.

Sur la place centrale, irrégulièrement pavée, la fontaine crachait ses filets d’eau dans un bruit sourd. A quelques dizaines de mètres, un point lumineux apparut. Son mouvement erratique et désordonné avançait et reculait. Après quelques tentatives, le contour de l’objet se dévoila. C’était une lanterne portée par un homme bien éméché.

Il s’approcha de la fontaine et faillit basculer, se rattrapant de justesse avant de se faire mouiller. Il s’assit difficilement sur le bord et frotta ses mains glacées, ajustant son corps, la lanterne à ses pieds.
La flamme projetait sur son visage des ombres difformes, changeant son apparence à chaque seconde.

Il attrapa son luth qu’il posa sur sa cuisse et approcha délicatement son doigt pour qu’il glisse.
La corde à peine touchée, le son s’éleva du bois, s’immisçant feutrée entre les murs froids. Un cri distant perça le silence, l’homme souriant avait fait violence.

Derrière leurs volets, les villageois s’immobilisèrent d’une respiration courte au cœur serré. Regrettant la vie et leurs années, Ils s’enlacèrent apeurés et attendirent leur sentence.

Il était une époque où les rois anciens se chamaillaient pour quelques broutilles. De leur guerre intestine naissait les fléaux. La mort assoiffée était vite repue. Quelques fois soulée, elle arpentait les allées, partageant sa solitude avec tous les damnés.

L’homme resserra les clefs et se mit à chanter, entonnant ivre sa douce mélopée.

Accompagnés des cordes, les âmes s’enfuyaient, rejoignant leurs pères endormis à jamais.

divers

Le chant d'ombre